Choisis ta rencontre


—Je suis en retard ! J’y comprends rien à ces machins électroniques ! C’est vraiment plus de mon âge.
—J… Je vous en prie.
—On peut pas te louper avec tes initiales brodées sur ta petite écharpe, mon cher Pierre-Edouard.
—Vous… vous voulez commander ?
—Un double !
—Juste un café pour moi, merci.
—Alors jeune homme, ton bouquin, tu vas l’appeler comment ?
— Je ne sais pas encore. Peut-être « Vengeance crépusculaire »
—Je suis sûr que ma femme aurait adoré ! Dommage qu’elle soit morte. En même temps, c’est de sa faute hein !
—Vous êtes… différent de ce que je lisais dans vos lettres.
—C’est la liberté ça. Après avoir fait 17 ans, surtout à cause d’une salope comme elle ! J’ai peut-être 80 balais, mais je vais bien profiter du peu de temps qu’il me reste.
T’es plus beau que je me l’imaginais !
—Vous… avez tué votre… femme, c’est, c’est bien ça ?
—Ouais ! Et je regrette pas du tout ce que j’ai fait ! Elle a découvert que j’avais un amant, un maraîcher dans le 10éme, et je peux te dire qu’il avait une sacré banane ! T’aimes bien les bananes toi ?
—Euh… Euh oui
—Le 2 avril 98, au soir, je devais rejoindre Paolo pour lui astiquer le poireau. Quand je suis arrivé j’ai vu ma femme sur lui. Au début j’ai cru qu’il m’avait caché qu’il aimait les abricots aussi ! Mais quand j’ai compris que ce qu’il y avait par terre, c’était pas du coulis de fraise, j’ai pris la première pastèque que j’ai vu et BAM en plein dans sa poire !
Hey, ça va mon mignon ? T’es tout pâle. Si tu veux, je connais quelque chose qui va te redonner des couleurs. Les bananes je les préfère flambées, pas toi ?
—Je… Je pense qu’on va s’arrêter là Monsieur Bertin.
— Appelle-moi Albert, Tonton Albert.
Mais attend, t’en vas pas ! T’as même pas bu ton café ! Tu veux qu’on aille le prendre chez toi mon biquet ?
—Bonjour Monsieur Bertin, je suis désolé, je suis en retard.
—J’attends depuis un quart d’heure.
—Je suis vraiment navré, Monsieur.
—Je viens de sortir de prison, je n’ai pas envie de perdre du temps à attendre des écrivains prétentieux.
—Il y a eu un accident grave de voyageur, je ne pouvais pas faire autrement, je suis désolé.
—Asseyez-vous. Je ne vous ai rien commandé. Dépêchez-vous.
Posez-moi vos questions.
—D’accord, comme vous voudrez.
A quoi pensiez-vous le plus quand vous étiez enfermé ?
—Rentrons dans le vif du sujet plutôt.
—Vous avez assassiné votre femme ?
—J’avais besoin de vacances et je n’étais encore jamais allé Fleury-Merogis.
—Très bien…
Pourquoi vous l’avez tué ?
—Elle m’avait contrarié.
—Contrarié ?
—Elle m’a cuisiné des tomates.
—Excusez-moi ?
—Je ne supporte pas les imbéciles, les pantouflards, les naïfs, les rigides, les utopistes.
Je m’en débarrasse. Comme cette jolie Nicole.
—Votre épouse ne s’appelait pas Madeleine ?
—Si.
—Vous… vous êtes conscient que je ne peux garder ces confidences pour moi.
—Vous êtes conscient que vous avez eu 15 minutes de retard.

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