Lettre à un meurtrier

A toi,
Puisqu’à mon sens, je ne peux te nommer par “Monsieur” ni même te saluer et encore moins te vouvoyer tant tu ne mérites aucunement mon respect.
C’est un samedi que j’ai découvert, dans l’évier de ma cuisine, cette chose horrible, si affreuse qu’elle en est innommable.
Comment, sans éprouver aucun remords ni ressentiment, un acte aussi odieux peut il être fait par l’esprit humain. Comment, d’une impassible froideur, as-tu pu commettre ce crime.
C’est ce samedi que j’ai été détruite dans ma cuisine, par cette chose ignoble, si répugnante qu’elle en est inexcusable.
J’ai compris en voyant ce massacre, pourquoi on te surnomme “le cuisinier”.
J’ai vu et je fus pétrifiée de douleur, de peur, de dégoût et de honte. Oui de honte, celle que tu m’as infligée en souillant mon esprit de ce spectacle macabre. J’ai honte de devoir vivre chaque instant de ma vie avec cette image qui me hante et que tu as explicitement encrer en moi.
J’ai trouvé ces corps dépecés autant de leur peau que de leur dignité, flottant dans une eau sale et glaciale. Tout était calme, l’ambiance aurait pu être sereine s’il n’y avait pas ce tableau effroyable.
Le choc, l’appel aux autorités compétentes passés.
Je me suis souvenue de ces victimes à l’heure où elles n’en étaient pas mais dont on se souviendra toujours comme ça à partir d’aujourd’hui. Je me suis souvenue de leur douceur, de leur beauté, de leur tendresse qu’elles auraient pu me procurer si elles n’avaient pas été privées. Rapidement, je les associe à la dernière image que j’ai d’elles. Et je ne peux plus les imaginer autrement que dans cet état de végétation éternelle.
C’était mes patates ! Celles que j’avais choisi au supermarché ! Celles que j’avais soigneusement emballé, pesé, payé et ramener chez moi avec l’espoir de les cuire doucement au four avec du beurre et du sel. Et je rentre chez moi après une rapide course imprévue puisque j’avais oublié les herbes de Provence pour les assaisonner parfaitement. Je les retrouve toute dans l’évier à moitié rempli d’eau brunie par la terre, totalement épluchées.
C’est avec un profond dégoût que je te vois les manger bouillies et revenues à la poêle pendant que je mange mes courgettes. Elles, que tu n’auras jamais et dont je ne te laisserai jamais en détruire la saveur.

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